Source : Libération
DE NOTRE CORRESPONDANT Les étrangers ayant divorcé d’un conjoint japonais n’ont quasiment aucun droit parental. Pour y remédier, Shinzo Abe doit discuter avec Barack Obama de la ratification de la Convention de la Haye sur les enfants ce vendredi.
C’est peut-être la fin d’une douloureuse polémique de trente ans. Le Japon envisage de ratifier d’ici à la fin juin la Convention de La Haye sur les enlèvements d’enfants qui date de 1980. Il est le seul pays du G8 à ne pas l’avoir fait. Dans l’archipel, de nombreux ressortissants étrangers ont les pires difficultés à exercer leurs droits parentaux après un divorce avec un conjoint japonais. Dans la pratique, la garde des enfants revient à la mère, les pères n’ayant quasiment aucun droit et très peu accès à leurs enfants. Et quand ils essayent de s’approcher d’eux, il n’est pas rare que la police les en empêche.
Ces différends ont abouti à des drames. Privés d’un droit de visite et d’un droit de garde, trois Français se sont suicidés ces dernières années. La France comptabilise 33 dossiers et n’exclut pas «une quinzaine de cas supplémentaires non déclarés, de personnes découragées ou qui redoutent qu’une agitation ne complique leur situation», avance Richard Yung, sénateur PS représentant les Français de l’étranger qui a rencontré les autorités nippones la semaine dernière pour évoquer cette «situation de détresse». La Grande-Bretagne a répertorié 39 affaires, les Etats-Unis 81. Ces derniers se sont le plus investi dans cette querelle diplomatico-juridique. Signe de l’importance du dossier, cette ratification sera au menu des discussions entre le Premier ministre Shinzo Abe et Barack Obama ce vendredi. Washington avait menacé de revoir certains accords bilatéraux si le Japon ne signait pas ce texte.
Mi-chemin
Un projet de ratification avait été préparé par le précédent gouvernement de centre-gauche, avant de faire les frais de la dissolution de l’Assemblée en novembre. Cette fois, le parti libéral-démocrate semble décidé à ratifier le texte d’ici la fin de la session parlementaire en juin. Abe, qui devrait le confirmer à Obama, estime «important» d’adhérer à la Convention de la Haye. Il justifie sa décision par le fait que les mariages internationaux se sont multipliés ces dernières années. Dans le même temps, le nombre de divorces impliquant un conjoint japonais a lui aussi augmenté, passant de 7 700 en 1992 à 19 000 en 2010. Sous pression de ses partenaires, il devient donc urgent pour Tokyo d’éviter la recrudescence des contentieux.
«Mais la ratification n’est que la moitié du chemin, avance Richard Yung. Il va falloir ensuite transcrire cela dans la législation japonaise avec des textes précis et concrets pour définir les droits de chacun.» Et battre en brèche à la fois les positions des «barbons de la tradition, méfiants vis-à-vis de l’étranger, juge Yung, et des pétroleuses féministes qui considèrent que la garde attribuée d’office aux mère est une conquête contre la prédominance masculine». La ratification risque enfin de ne pas régler la détresse de dizaines de personnes : il n’est pas prévu que la future loi soit rétroactive.