Au Japon, l’argent s’invite souvent au centre de la vie de couple

Journal LA CROIX 23/12/2008 20:30
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2360109&rubId=4077

Au Japon, l’argent s’invite souvent au centre de la vie de couple

Le faible taux d’emploi chez les femmes et le coût de l’éducation des enfants contribuent à monétiser les relations conjugales

« Selon mes parents, espérer un mariage d’amour relève du fantasme. Ils m’ont appris que l’amour et la vie de couple sont deux choses à ne pas confondre », explique Mlle K., une jeune trentenaire née à Shimane, dans l’ouest du Japon.

Le magazine économique Aera a publié en novembre une étude sur ces Japonaises en quête de mariage. Un phénomène important puisque, selon les chiffres de 2005, 32 % des femmes entre 30 et 34 ans étaient célibataires, un statut mal vu dans l’archipel.

La plupart ont toutefois un objectif ambitieux : un mariage prospère. Selon le magazine, 80 % des femmes posent comme condition que l’homme gagne plus de 6 millions de yens par an (49 000 €). Et 55 % exigent qu’il touche plus de 8 millions de yens (65 000 €).

Or, en 2007, seuls 30 % des hommes gagnaient plus de 6 millions de yens par an et seulement 15 % plus de 8 millions. La proportion diminue pour les hommes jeunes et célibataires.

« Les agences matrimoniales ne sont pas mal perçues »

La recherche de l’âme sœur passe dès lors souvent par des organismes spécialisés. « Les agences matrimoniales ne sont pas mal perçues ici, remarque Mlle K.

Elles dispensent des formations pour chercher un mari. Si ça marche, pourquoi pas ? » La question de l’efficacité des recherches est cruciale.

Le magazine Aera évoque le cas de l’agence Executive Course qui aide ses clientes à cibler leurs recherches selon le secteur d’activité désiré.

Ainsi, des femmes de dentistes, de cadres de grande entreprise ou d’architectes, viennent partager leur expérience, distiller les conseils qui permettent de faire mouche. Coût de la formation : 500 000 yens (4 000 €).

« Ces montants sont raisonnables, explique une mère de famille. Il n’est pas possible d’ignorer la santé financière du couple : 6 millions de yens annuels ne sont pas de trop pour vivre à deux et éduquer un enfant. Et pour en avoir deux… il faut plus. »

Dans ce pays où rien n’est fait pour aider les familles à grandir, la question du coût annuel de chaque rejeton est récurrente, et la presse en fait largement l’écho.

Après le mariage, le bonheur ?

La revue de presse francophone L’Hebdo du Japon citait en octobre 2008 le magazine Toyo Keizai : « Le coût moyen des études d’un enfant s’élève à 10 240 000 yens (81 000 €) de son entrée au lycée à sa sortie de l’université, soit sept années scolaires. » Les montants sont plus importants pour les élèves des établissements privés.

Un coût difficile à supporter pour les familles japonaises, d’autant que les femmes travaillent peu.

Une employée quadragénaire raconte : « Ma fille a 12 ans. Je suis une des seules mères de sa classe à travailler. Les réunions de parents d’élèves se déroulent l’après-midi. J’ai deux enfants et je n’ai pas assez de jours de congés pour assister à toutes ces rencontres. Alors je n’y vais pas, et les autres mères me jugent mal. »

Après le mariage, le bonheur ? Peu d’amour en tout cas.

Le Toyo Keizai indique, dans une autre étude, que 39 % des hommes souhaitent passer plus de temps avec leur épouse. Quid des 61 % restants dans un pays où les heures supplémentaires ne se comptent pas ? Pire, la part de femmes souhaitant voir davantage leur mari diminue : elle est passée de 35 % à 26 % en vingt ans.

Gilles de LESDAIN ( Tokyo )